314
Views

La question en titre de cet article semble provocatrice. La plus grande ligue de basket au monde serait en perte de vitesse ? On parle bien de la ligue de basket la plus regardée, la plus observée et celle que tout jeune joueur, peu importe d’où il vient, rêve de rejoindre un jour ? Oui, on parle bien de celle-ci car les chiffres parlent d’eux-mêmes : les audiences sont en baisse de 48% par rapport à 2012 et de 28% sur ESPN par rapport à l’année dernière. Les Finals NBA 2024 entre les Boston Celtics et les Dallas Mavericks ont été les moins regardées depuis 2021. Qu’est-ce qui explique donc ce manque d’intérêt du public pour la NBA ? Plusieurs facteurs.

Des concours à 3pts à chaque match

Ceux qui regardent beaucoup de matchs comme ceux qui ont arrêté d’en visionner diront la même chose : « il y a trop de tirs à 3pts ». Une impression visuelle que l’on retrouve dans les chiffres. Cette saison, Boston est l’équipe qui prend le plus de shoots à 3pts par match avec… 50,7 tirs ! Il y a 10 ans, les Houston Rockets, premiers de la ligue à ce classement particulier en tiraient 31,8 en moyenne. Et si on remonte à 2004-2005, Phoenix prenait 23,9 shoots à 3pts par match. C’est toujours 7 de moins que les Denver Nuggets cette année, bons derniers au classement ! On en arrive à certaines situations où même en contre-attaque et en surnombre, un joueur prendra un tir à 3pts plutôt que d’attaquer l’anneau.

Plus aucune identité de jeu

Le résultat ? Tout le monde shoote à 3 points quasiment tout le temps. Légende des Lakers, Shaquille O’Neal a ainsi sa théorie sur la baisse d’audience et d’intérêt : « On regarde la même chose. Tout le monde exécute les mêmes phases de jeu. Je n’ai rien contre Golden State qui a lancé la mode des 3pts, mais ils ont tout cassé ». Toutes les équipes et tous les matchs se ressemblent désormais, à peu de choses près. Il y a quelques années, le jeu de Golden State à 3pts faisait partie de leur propre identité tandis que les Memphis Grizzlies avaient érigé le « Grit and Grind » comme philosophie. Dans les années 2000, les Detroit Pistons étaient réputés pour leur défense. Aujourd’hui, le tir à 3pts est la première, et parfois seule, option pour les équipes. Avec des purges monumentales, comme ce Chicago Bulls-Charlotte Hornets mi-décembre où les deux équipes ont manqué… 75 tirs primés. Qui veut regarder ça ?

Shaquille O’Neal ne s’amuse plus devant un match de basket ! © PanoramiC / PHOTO NEWS

Des règles pour favoriser l’attaque

A côté du nombre de tirs à 3 points qui augmente, la NBA a mis en place des règles favorisant les attaquants depuis des décennies, comme le bannissement du « hand check » il y a plus de 20 ans. Depuis, la priorité est à l’attaque et les règles sont bien plus permissives : marchers et portées de balle sont rarement sifflés, et les écrans offensifs pas souvent sanctionnés. Les stars ne sont pas non plus arbitrées de la même façon qu’un joueur lambda. Avec tous ces changements, l’envie et la passion pour la défense sont rares chez les jeunes basketteurs. Car c’est en marquant énormément de points en high school ou à l’université qu’une place se fera en NBA. Aujourd’hui, les joueurs efficaces des deux côtés du terrain se comptent sur les doigts d’une main : Giannis Antetokounmpo, Anthony Davis, Victor Wembanyama, OG Anunoby…  

Des stars vieillissantes et un manque de fidélité

Un autre aspect peut aussi jouer : les plus grandes stars des années 2000 et 2010 sont au crépuscule de leur carrière : LeBron James vient de fêter ses 40 ans, Stephen Curry et Kevin Durant en comptent 36. Un passage à témoins et un changement de génération est en cours. De plus, les nouvelles stars ne sont pas forcément américaines : Nikola Jokic (Serbie), Giannis Antetokounmpo (Grèce), Shai Gilgeous-Alexander (Canada)… et on sait à quel point les Américains peuvent être conservateurs. En outre, il n’existe plus de réelle rivalité entre équipes NBA. En cause ? Les joueurs qui changent d’équipe comme de chemise en cours de carrière sont nombreux, LeBron James et Kevin Durant en étant sans doute les meilleurs exemples. La rivalité Warriors-Cavs a peut-être duré 5 ans…

Le « load management » des stars de la NBA

Ceux qui espèrent voir des stars comme Joel Embiid, Anthony Davis, Kawhi Leonard ou LeBron James en action risquent parfois d’être déçus. Le phénomène du load management – repos intentionnel des joueurs sans qu’ils soient blessés – fait que certaines vedettes restent sur le banc pendant toute une rencontre. Bien que cette pratique vise à préserver les joueurs pour les moments clés de la saison, elle suscite souvent de la frustration. Les téléspectateurs et les fans, qui parcourent parfois des centaines de kilomètres et dépensent une fortune pour leurs billets, ne voient pas toujours les stars qu’ils étaient venus applaudir. Cette stratégie, largement critiquée, nuit également à la popularité de la NBA, comme en témoignent les audiences en baisse. Même de jeunes prodiges comme Victor Wembanyama sont déjà concernés par ces périodes de repos – une pratique inimaginable il y a encore dix ans. Ironiquement, une étude menée sur dix ans révèle que le load management n’a que peu ou pas d’impact sur la prévention des blessures. En bref, une mesure qui semble manquer sa cible.

Même Victor Wembanyama est parfois mis sur le banc ! Photo by federico pestellini / panoramic © PanoramiC

Des modes de consommation différents

Last but not least, un dernier point peut encore expliquer cette baisse d’audience. Tous comme les générations de joueurs passent, les générations de fans changent également. Les plus jeunes ne consomment plus le sport comme leurs aînés. On snacke du content, on regarde des highlights, des résumés quand on a l’occasion… et on se pose rarement tous les jours pendant plus de 2h devant son écran pour regarder des matchs avec des temps-morts, des challenges, des lancers-francs et parfois des blowouts. La saison NBA est aussi extrêmement longue (82 matchs de saison régulière) alors que la saison de football américain, sport numéro 1 aux USA, s’étend sur à peine 5-6 mois. Mais on est encore loin de voir la saison NBA diminuer son nombre de rencontres, puisque c’est l’une de ses principales mannes financières. La NBA survivra mais elle doit sans doute se réjouir d’avoir signé son nouveau contrat TV sur 10 ans de 76 milliards de dollars cet été…

Catégories :
Basketball

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *